Le droit de se battre Bahia Zrikem En commençant
Le droit de se battre Bahia Zrikem
En commençant ses études de droit, Bahia n’aurait jamais imaginé devenir avocate. « Le barreau ne m’intéressait pas, j’avais en tête l’image des avocats d’affaires, très loin de ce que je voulais faire. » Pourtant, c’est une avocate droite dans ses bottes qui nous reçoit ce vendredi, entre deux rendez-vous. Elle n’a que 25 ans, mais son discours est clair, ses idéaux aussi. « Depuis que je suis petite, j’ai toujours voulu exercer un métier où je pourrais me rendre utile. »
Bahia exerce au « Quartier des libertés ». Un poste qui ne relève en rien du hasard. Ce bureau d’avocats bruxellois s’est formé en 2006 sur un projet commun : permettre aux plus défavorisés d’avoir le même accès à la justice que les autres. Le cabinet est spécialisé en droit de l’aide sociale, droit familial, droit des étrangers, droit humanitaire, du logement. « Intégrer ce cabinet, c’était mon rêve. Je voulais bosser ici et seulement ici. » Et à l’automne 2009, la porte s’ouvre. Bahia intègre le cabinet comme stagiaire.
Lorsqu’elle débarque, le gouvernement belge vient d’annoncer la promulgation d’une « instruction » précisant les critères de la régularisation des sans-papiers. Ses trois premiers mois, elle les passe donc plongée dans des dossiers de demande de régularisation. Un travail de titan, pour des résultats très aléatoires.
Aujourd’hui, le quotidien de Bahia est toujours fait de demandes de régularisation de sans-papiers, d’occupation de locaux par des étrangers, ou encore de dossiers de droit international, comme une plainte déposée en juin 2010 contre Israël pour crime de guerre et crime contre l’humanité, pour laquelle elle a effectué des recherches juridiques.
Son métier, elle le voit comme un engagement. Qui demande donc quelques sacrifices. Loin de rouler sur l’or, la jeune avocate enchaîne les dossiers « pas vraiment rémunérateurs », avoue qu’une bonne part de son combat s’apparente à du bénévolat, mais ne troquerait pour rien au monde ses clients contre ceux des avocats d’affaires réputés de la capitale.
Militantisme
Car l’avocate a été élevée au biberon du militantisme. Ses parents se sont rencontrés à l’université, alors qu’ils militaient au sein du RDM (Regroupement démocratique marocain). Bahia est née au Maroc, dans une famille politisée et engagée, avant de s’exiler avec sa famille pour la Belgique à 12 ans. Elle y découvre alors le racisme à l’école, « dans un milieu socialement précarisé, ignorant des étrangers. » Ce n’est que quelques années plus tard, quand elle poursuit sa scolarité dans un athénée bruxellois, que Bahia s’épanouit dans un milieu « d’une incroyable mixité sociale et culturelle, qui m’a beaucoup apporté ». Aujourd’hui, la jeune avocate se sent toujours révoltée par « un système éducatif qui manque cruellement de mixité ».
Et se sent le devoir de s’engager « pour essayer d’influer, à ma mesure, sur le cours des choses ». Dans son quotidien d’avocate, elle découvre toujours de nouvelles injustices, de nouvelles causes à défendre.
Après notre rencontre, Bahia part rejoindre un groupe d’Afghans installé rue de la Concorde, en pleine grève de la faim. Elle les défend depuis novembre 2010. « En plein hiver, on s’est battus pour leur trouver un toit décent, c’était une petite victoire. » Mais la jeune idéaliste s’avoue souvent tentée par le découragement. « J’ai parfois l’impression de brasser de l’air, tant la bataille est monumentale pour le droit des étrangers. » Mais pour l’instant, Bahia ne baisse pas les bras.